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CONFLIT PSYCHIQUE ET CREATIVITE

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Paul Ricoeur 

L'art comme jeu des tensions

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"L'illusion, c'est la voie régressive; la religion défend l'homme contre la supériorité écrasante de la nature en restaurant l'image d'un père à la fois protecteur et exigeant; elle satisfait aux trois fonctions de la culture énoncées plus haut - diminuer la charge des sacrifices instinctuels, réconcilier l'home avec des renoncements inéluctables, compenser le sacrifice par des satisfactions vicaires - mais au prix d'une "névrose collective" que Freud place sous le signe du "retour du refoulé".

C'est par contraste avec ce retour du refoulé que la satisfaction esthétique obtient grâce aux yeux de Freud. L'art est la forme non obsessionnelle, non névrotique, de la satisfaction substituée; le "charme" de la création esthétique ne procède pas du souvenir du parricide. Rappelons nous notre analyse antérieure du plaisir préliminaire, de la prime de séduction: la technique crée un plaisir formel, à la faveur duquel nos fantasmes peuvent être exhibés sans honte, en même temps que s'abaissent tous les seuils d'inhibition. Aucune restauration fictive du père ne vient ici nous faire régresser vers la soumission infantile. Nous jouons plutôt avec les résistances et avec les pulsions et obtenons ainsi une détente générale de tous les conflits. Freud est ici très proche de la tradition cathartique de Platon et d'Aristote. Reste à savoir, bien entendu, si la religion n'est que retour du refoulé et l'art seulement abaissement général des tensions par prime de séduction. Je ne discute pas. Je cherche seulement à comprendre, pour mieux me comprendre."

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P. Ricoeur, "Une dernière écoute de Freud", dans Entretiens sur l'art et la psychanalyse, Mouton, Paris, 1968

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